Il est trois heures du matin à Verbier. Le silence des montagnes semble retenir son souffle. Dans l’obscurité piquée d’étoiles, une centaine de frontales dansent comme des lucioles alpines. Les visages sont tendus, les muscles déjà éveillés. Certains chuchotent une prière intérieure. D’autres sourient nerveusement. Le coup d’envoi du Trail Verbier St-Bernard by UTMB® approche.


Ce n’est pas qu’une course. C’est un passage. Un rite. Une traversée du corps et de l’esprit à travers les Alpes suisses. Une épopée moderne où l’on affronte l’ombre de ses doutes dans l’éclat du matin.

Une vallée, un rêve

Tout commence en 2009, dans le Val de Bagnes. À l’époque, deux passionnés veulent offrir à la Suisse un trail à la hauteur de ses paysages. Un Ultra-Trail, comme celui de Chamonix, mais sur les terres valaisannes. Pas une copie. Une création.


Ils tracent un itinéraire. 110 kilomètres d’abord. Puis 140. Ils le veulent sauvage, alpin, exigeant. Un trait d’union entre les villages et les cimes. Le point culminant ? Le col du Grand Saint-Bernard, là où depuis des siècles, les voyageurs cherchent refuge et lumière. Le nom est trouvé : Trail Verbier St-Bernard.


Le rêve devient réel. Dès la première édition, les pionniers foulent les sentiers rocailleux, traversent les glaciers d’altitude et redescendent dans la douceur de l’herbe rase. Ils croisent les bouquetins, les torrents glacés, les regards émus d’un village en liesse. Le trail suisse est né.

Une marche vers la légende


Depuis, chaque été, ils reviennent. Par centaines. Par milliers. Les courageux, les timides, les furieux, les discrets. Ceux qui courent contre le temps. Ceux qui courent pour leur père disparu. Ceux qui n’ont jamais rien terminé dans leur vie – sauf ce trail.


Ils viennent de Genève, de Toulouse, de Montréal, de Tokyo parfois. Ils se lèvent tôt, avalent leur trac, affrontent les ciels noirs, les roches humides, les descentes interminables. Ils traversent Champex-Lac, La Fouly, Bourg-St-Pierre, la passerelle de Corbassière. Ils découvrent le monde depuis la cabane de Panossière. Ils pleurent devant la beauté. Ou de fatigue. Ou les deux.


Et toujours, il y a ce moment. Celui où, au détour d’un col, ils se retrouvent seuls face à l’immensité. Le ciel semble toucher les doigts, la terre n’est plus un poids, mais une promesse. Là, ils comprennent. Ce trail n’est pas un sport. C’est une histoire d’amour avec la montagne.

Les héros de l’ombre


Certains noms sont passés à la postérité. Denise Zimmermann, la guerrière helvétique qui remporte la première édition avec une régularité d’horloge suisse. Ludovic Pommeret, vainqueur charismatique et humble, toujours droit comme un piquet au sommet de la X-Alpine. Katarzyna Solińska, silhouette légère et déterminée, qui survole les cailloux comme un chamois.


Mais la légende ne s’écrit pas qu’avec les plus rapides. Il y a aussi ceux qui arrivent juste avant la barrière horaire. Ceux qui rampent sur les derniers kilomètres, les pieds détruits, le mental en flammes. Ceux qui tombent et se relèvent. Ceux qui échouent une année et reviennent la suivante. Eux aussi sont des héros.


Car ici, le podium est un détail. Le vrai trophée, c’est de franchir la ligne. De tenir. De finir.

Les murmures des villages


À chaque passage du trail, les villages du Val de Bagnes se métamorphosent. Champex-Lac s’éveille au son des cloches et des encouragements. Les bénévoles préparent les bouillons, les familles sortent les vaches pour faire de la place sur les chemins. On applaudit des inconnus comme s’ils étaient des frères.


À Lourtier, on tend de l’eau, on donne des tapes dans le dos. À la cabane Brunet, un berger offre un sourire et un regard qui vaut tous les discours de motivation.


Le trail fait vibrer la montagne. Et en retour, la montagne donne son souffle à ceux qui la respectent.

Une course, quatre visages


Aujourd’hui, le Trail Verbier St-Bernard by UTMB® se décline en plusieurs formats, chacun avec son âme.


La X-Alpine, reine mère de 140 km et près de 9 000 mètres de dénivelé, est un monstre. Une traversée initiatique. Un Everest intérieur. Une balade de 30 heures où l’on renaît plusieurs fois.


La X-Traversée, 100 km de pur bonheur minéral, part de La Fouly et rejoint Verbier dans une course plus rapide mais tout aussi engagée. Le genre de parcours où l’on grimpe avec le cœur et l’on descend avec les dents serrées.


Le Marathon, 38 km, est une symphonie rapide et intense : des montées sèches, des vues spectaculaires, un rythme haletant. Il attire les amoureux de la montagne sans les ravages de l’ultra.


Et enfin, la X-Plore, 26 km, pour ceux qui veulent goûter au frisson de l’altitude sans s’y perdre. Une première porte d’entrée vers le mythe.

Quand la montagne décide


Parfois, la nature se rappelle à nous. En 2024, des pluies diluviennes s’abattent sur la vallée. Le parcours est modifié. Les distances raccourcies. Certains départs annulés. La X-Alpine ne va pas à Verbier : elle se termine à La Fouly.


Et pourtant, ils sont là. Tous. À courir, à glisser, à applaudir, à s’aimer dans la boue. Car même tronqué, le trail garde son âme. Il est ce qu’en font les coureurs. Et les coureurs, cette année-là, ont été grands.

Et demain ?


Le Trail Verbier St-Bernard by UTMB® n’est pas figé. Chaque édition affine l’expérience. Les parcours évoluent, les infrastructures s’améliorent, l’impact écologique est surveillé de près. Des idées flottent : une version hivernale ? Un festival alpin autour du trail ? Un jour peut-être.


Mais l’essentiel restera intact : la montagne, la sueur, la lumière au bout du tunnel. Le Trail n’est pas une course. C’est une cathédrale invisible, que chacun bâtit en soi.

L’ultime montée


Revenons à notre coureur du début. Il lui reste deux kilomètres. Il est seul, il vacille, il pense à abandonner. Mais soudain, au détour du sentier, Verbier apparaît. Les toits. Les cris. Les bras levés.


Le dernier virage.


Il court. Il vole presque. Tout son corps est douleur, mais son cœur déborde.


Il passe la ligne. On lui met une médaille au cou. Il ne dit rien. Il sourit. Puis il regarde la montagne.


Et dans ses yeux, on comprend : ce n’est pas fini.


Ce n’est jamais fini.

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